Nombre total de pages vues

lundi 16 mars 2015

Lettre à Xavier Dolan et à Salvador Dali


Ma chronique Lettre aux artisans de la beauté du monde pour la suite du monde


Cher Xavier Dolan, cher Salvador Dali

Vous avez compris que l’art se doit d’exister dans la démesure, la folie, la revendication de votre propre territoire artistique. Vous avez conquis, en desperado, les montagnes de l’apathie, les vallées de la dégénérescence, les politiciens du statu quo et les troupes noires de la bêtise humaine. Vos épées sont des luminaires de joie, des secousses de vitalité dans notre monde coulant qui s’échappe en gelée, qui réagit en pouding au désarroi normal de vivre.

Cher Xavier Dolan, cher Salvador Dali, votre existence est la preuve que le génie peut avoir un lien avec l’ambition, que l’ambition n’est pas un sentiment humain qui ne dure que dix secondes dans les espoirs timorés des gens qui nous entourent. Combien de «si j’avais», combien de «tu aurais dû» grouillent dans les placards de nos vies mornes balisées par la peur de mal paraître, la peur d’en demander trop, l’insigne stupidité de penser qu’une idée n’a pas d’allure. Votre audace est un chemin tracé pour tous vers la résolution de nos gênes. Car toute volonté devrait s’apaiser dans la réalisation, toute volonté devrait avoir la force de se buter aux difficultés de ses aspirations, toute volonté a le devoir d’ériger la vie en une entreprise qui nous dépasse.

Cher Xavier Dolan, cher Salvador Dali, vous n’avez jamais considéré l’art comme un packaging propre, un produit frimé, vous avez conçu des œuvres qui font éclater notre rapport au monde, repoussent les limites de la bienséance artistique pour nous montrer toute la violence de la beauté, la sauvagerie animale des pulsions humaines, la complexité viscérale de notre imaginaire.

Cher Salvador Dali, ton Chien Andalou est un chef-d’œuvre surréaliste qui nous hante dès la fin de son visionnement, un brûlot artistique qui vient tâter notre peur viscérale d’être disséqué vivant.


Cher Xavier Dolan, la décharge d’électricité que nous assène ton film Mommy galvanise notre peur de vivre et la transforme en urgence de vivre. Qui mieux que toi a réussi à exprimer l’harcelante inquiétude qui nous permet d’exister au regard des autres, le chaos provoqué par une émotion vécue au maximum.


Chers créateurs prolifiques, tous les jours on me rappelle que vivre est un sport de combat, une suite de déconvenues qui rétrécissent nos illusions, une bataille entre peur et volonté. On ne se bat plus tellement pour survivre,  mais pour exister toujours plus aux yeux des autres.

À cet égard, j’aime les êtres humains qui vivent furieusement, sans compromis, qui agitent leur monde intérieur à la barbe de tous pour ériger leurs angoisses en mode de vie !

Cher Xavier Dolan, cher Salvador Dali, vous jouez dans vos paranoïas, vos désirs troubles, l’édifice humain de votre psyché pour construire des chambres, des vestibules et des palais artistiques à l’épreuve du temps.

Cher Salvador Dali, tu as eu Gala, cher Xavier Dolan, tu as Anne Dorval. Vous avez chacun vos muses qui ont contribué à votre rayonnement et sont devenues des légendes en soi.

Comme tous les gens forts et talentueux, vous avez eu aussi vos détracteurs, les jaloux farineux, les obsédés de vos styles de vie, les méchants par lâcheté des réseaux sociaux.

Ces détracteurs sont les symptômes de votre importance et les résidus secs des cépages qui font le bon vin. Des précipités naturels qui viennent avec la distillation de votre talent.

Cher Xavier Dolan, tes yeux de caverne ressemblent à un essai philosophique et ta présence à l’écran, que ce soit dans La chanson de l’éléphant, Miraculum ou dans tes propres films, réussit toujours à nous captiver, à faire vibrer en nous cette corde de l’inquiétant, tu es un acteur qui s’abandonne dans les névroses de ses personnages et qui nous les rends si vivaces, si tendues, si crédibles.

Ne parlons pas de Jutra, ni d’Oscar, de prix ni d’excellence, mais plutôt de beauté, de grandeur réelle et d’ambitions nécessaires. Car sans Dali ni Dolan, la beauté resterait petite et les ambitions, sans substance.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire