Nombre total de pages vues

mardi 28 avril 2015

Lettre aux journalistes culturels

Ma chronique Lettre aux artisans de la beauté du monde pour la suite du monde


Chers journalistes culturels,

Je vous aime d’un amour généreux, d’un amour confraternel. Sans vous le monde serait terne,  tiré à hue et à dia par les marques et les besoins commerciaux et plongé dans les ténèbres utiles de l’ignorance, milieu propice à la prolifération des bactéries monétaires qui phagocytent notre amour de l’art. Chers journalistes culturels, pour le dire plus simplement, vous êtes essentiels à la survie de la culture. Votre point de vue, vos connaissances, votre témoignage sur les œuvres actuelles et à venir sont bénéfiques à notre écologie sociale. Vous êtes des phares, des témoins, des gardiens de notre humanité pensante.

Chers journalistes culturels, vous êtes bien sûr des critiques, mais vous êtes aussi des pédagogues et de grands vulgarisateurs.  Chaque fois que vous nous apprenez quelque chose, que vous piquez notre intérêt, que vous désherbez le jardin de notre ignorance, vous nous rendez plus autonomes et vous contribuez à éclairer notre point de vue. Pensons ici seulement (pour en nommer quelques-uns de ces pédagogues) à la talentueuse chroniqueuse historique Evelyne Ferron à l’émission Dessine-moi un dimanche; à Normand Baillargeon qui possède cette capacité extraordinaire de vulgariser la philosophie à la radio. J’en profite ici aussi pour mentionner cette grande qualité qu’est la calme assurance du savoir, déployée tout autant dans les chroniques littéraires de Thomas Hellman à Plus on est de fous plus on lit que dans les billets de Serge Bouchard à son émission C'est fou. Et j’ajouterai ici un adage de mon cru pour illustrer ce concept: Rien ne sert de s’énerver en ondes, il faut savoir expliquer à point.

Chers journalistes culturels, je sais que la culture n’est plus une valeur sacrée, que l’inculture est devenue cool et que le sérieux est maintenant réservé à l’économie, à la science et aux catastrophes naturelles (paix aux âmes des Népalais). Notre monde va trop vite pour penser sérieusement. Notre monde carbure à l’humiliation et à la bêtise, aux sports et aux talents shows. Hors de ces murs, pas de salaire. La vie est dure pour les rejets de la culture.

http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/metier-critique


Chers journalistes culturels, lisez MÉTIER CRITIQUE de Catherine Voyer-Léger, l’essayiste allumée et frondeuse en plus de présenter avec une rare concision les tenants et les aboutissants de votre métier identifie les problèmes structurels qui le minent : UN la disparition d’un espace décent pour le journalisme culturel (tout le monde est d’accord avec ça), DEUX une préférence pour l’événementiel plutôt que la critique (la folie des tapis rouges), TROIS un intérêt démesuré pour les gadgets comme les étoiles (la dictature du trois étoiles et demi), QUATRE le recours à des pigistes sous-payés du feuillet.

Votre salaire, votre salaire ! Parlons-en ! Chers journalistes culturels, ne pleurez pas sur votre salaire minable, restez positif, prenez sur vous (moi qui vous parle de mon poste de chroniqueur bénévole à une station-école), mais continuez à décrier l’injustice !

La profession dégringole les marches de la respectabilité depuis des lustres et tout le monde fonce dans le mur avec le sourire aux lèvres et le rire au vent ! Cessez de rire un instant quand on vous paye en vous disant que c’est un privilège d’être méprisé de la sorte bon yeu de bâtard de bout de ciarge de torrieu de vidange sale! Je m’ennuie de Chartrand.

Chers journalistes culturels, votre métier n’est pas évident, vous voguez entre le milieu artistique et les obligations de rendement, entre les artistes et le tiroir-caisse, vous cumulez les ennemis pour pratiquer votre éloquence mineure.

Je souhaite pour vous qu’un jour le conseil des arts donne des bourses aux meilleurs blogueurs culturels afin de favoriser la juste diversité (car les bons blogueurs indépendants méritent un bon salaire eux aussi); je souhaite aussi qu’après plusieurs années de luttes salariales on vous attribue des cachets conséquents, et qu’on vous respecte à votre juste valeur.

Chers journalistes culturels,  vous êtes plus que votre passion pour le métier, vous êtes aussi des compétences et des talents. Continuez votre bon travail, je resterai votre fervent auditeur/lecteur/téléspectateur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire